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« Dessiner » was written for a unique evening around the musician Hico Natsuaki. During 40 minutes, in the middle of the public and accompanied by live drawings of Jacques Le Bourgeois, the text told the anger « to belong to those who think that the Earth will finish » and the choice to draw, « use a tool that makes little noise ».
FR
« Dessiner » a été écrit pour une soirée unique autour du musicien Hico Natsuaki. Durant 40 minutes, dit au micro au milieu du public et accompagné par les dessins en direct de Jacques Le Bourgeois, le texte met en tension la colère « d’appartenir à ceux qui pensent que la Terre va finir » et le choix de dessiner, « utiliser un outil qui fait peu de bruit ».
Le texte oppose la colère « d’appartenir à ceux qui pensent que le monde va finir » à la patiente résistance de la pratique du dessin, « qui ne peut être fait à la chaîne » :
Nous fabriquons des choses. Nous fabriquons. Nous ne savons pas si ça va nous servir à quelque chose. Nous fabriquons des choses qu’on peut prendre. Prendre des choses occupe nos mains. Prendre occupe. Prendre. Qu’il y ait trop de choses nous met en colère. Ce qui nous met en colère c’est de continuer, même si la Terre va finir. Nous sommes en colère d’appartenir à ceux qui pensent que la Terre va finir. La Terre va finir, mais juste pour nous. La Terre va. Ce qui nous met en colère, c’est ce qui nous mange les yeux. Ce qui nous met en colère, c’est ce qui nous mange.
Dessiner fait perdre du temps. Dessiner fait tourbillonner le temps. Dessiner fait tourbillonner le temps sans qu’on puisse l’attraper. Un dessin, ça n’est pas fait à la chaîne. Dessiner, ça ne peut pas goûter le biscuit reproduit en carton. Ce sont des gestes qui ne peuvent pas être refaits. C’est utiliser un outil qui fait peu de bruit. Peu de bruit, quand on dessine. Moins de bruit. Dessiner, c’est. Toucher. Un dessin, plusieurs fois différemment, ça émeut. Différemment, plusieurs fois, ça émeut, un dessin.
Nous sommes en colère de ressentir qu’il y a trop de gens. Qu’on me dise que j’ai une place, j’ai besoin. Nous avons une place, devant un dessin qui nous regarde. Ca peut être effacé. Ca peut être brûlé. On ne sait pas combien de temps on peut résister, en dessinant. En regardant un dessin. Il faut s’isoler pour dessiner. On résiste sans savoir avec combien de force. C’est un essai. ça a une limite qu’on fait reculer, pendant qu’on fait les traits.
Est-ce qu’on se révoltera pour nous, ou parce qu’on pourrait avoir des enfants ? Est-ce qu’on se révoltera parce qu’on pourrait avoir des enfants, ou on n’osera plus en vouloir ? On sera encore sur la Terre. Sur la Terre, on. On sera encore. La Terre, on sera encore sur. Ce sera trop avancé, peut-être. Ce sera quand ce sera trop, peut-être. Il y aura de l’air qui sent. On se révoltera avec l’urgence de ceux qui doivent partir. C’est dans peu de temps. On se demandera quel passé est responsable du présent. On imaginera le passé. On en voudra à ceux qui, avant nous, n’auront pas pensé à nous. Il y aura encore des nouveaux-nés.
On cassera ce qui n’a pas pensé à nous, hier, et on aura mal aux mains. On cassera ce qui mangeait le temps. On mangeait. On se fera mal aux mains. On se fera mal au front. On voudra arrêter l’heure. Si ça se passe ici, ça se passera ailleurs. On aura envie que ça continue, pendant qu’on sera en train de détruire. On aura envie. On ne pourra pas. Avoir l’élan sans avoir quelqu’un. On voudra sentir l’herbe même si l’air est trop chaud. On sourira. Avec nos peaux qui peuvent sentir. On l’aura échappé belle. On l’aura, belle.
On sera joyeux et on aura peur. On sera plusieurs à ne pas vouloir être seuls. On sera plusieurs à vouloir. On aura nos corps. On sentira encore les corps à côté. On voudra garder une main. Pour prendre des outils qui prennent du temps. On sera où on peut encore dessiner. Le papier sur nos mains. On aura envie. Le papier. Sur nos mains. On aura envie.
Dessiner
30.11.2018
Ateliers Mommen
37 rue de la Charité, 1000 Brussels